Panorama

Par rapport à ses voisins européens, le jazz au Luxembourg n’a connu ses balbutiements qu’après la deuxième guerre mondiale. Des artistes internationaux ont commencé à être invités au Grand-Duché pour des concerts et autres évènements.

La radio diffusait alors surtout des standards (musique populaire de l’époque), du classique et de la variété entre autres. Ce n’est que bien plus tard que John Thillens, Fondateur du Jazz-Club Wiltz, s’est empressé avec Johnny Spautz de créer des émissions spécifiques de jazz sur les ondes de RTL, mais qui ont vite disparu faute d’audience.

Depuis sa création en 1993, c’est la radio publique 100,7 qui a repris le flambeau et propose des émissions sur l’actualité du jazz au Luxembourg et à l’international.

Bien que dans les années 50 et plus tard, il n’y ait pas encore d’artistes de niveau “international” dans le domaine du jazz, des amateurs de bon niveau n’hésitent pas à en proposer. Il faudra attendre les années 80, afin que les premiers musiciens de jazz commencent à évoluer en dehors du Grand-Duché. Ces artistes ont pour la plupart joui d’un enseignement musical classique avant d’approfondir leurs connaissances dans le domaine jazz dans des conservatoires supérieurs à l’étranger.

Gast Waltzing (jazziste, compositeur, lauréat d’un Grammy Award, fondateur de Largo et de la structure de production et diffusion WP Productions...) ou bien Ernie Hammes (trompettiste et jazziste aux USA avec Maynard Ferguson et autres artistes de renom), ont été parmi les premiers à s’exporter et à faire avancer le jazz au Luxembourg.

D’autres musiciens ont contribué à faire vivre la scène jazz et à inspirer la plus jeune génération comme Le saxophoniste Jitz Jeitz (qui étudiera au Luxembourg, à Strasbourg et à Liège et sera co-fondateur avec Ernie Hammes du Big Band Luxembourg Jazz Orchestra et du Festival JAIL, ...) ; Romain Heck (enseignant de basse électrique au conservatoire...) ; Sascha Ley (chanteuse et actrice) ; Hervé Jeanne (bassiste entre autres de Roger Cicero, actuellement en activité à Hanovre) ; Marc Mangen (pianiste et enseignant) ; Michel Piltz (clarinette-Basse, membre de formations internationales) et bien d’autres encore.

Gast Waltzing a été le premier à créer une classe de jazz au conservatoire de la ville du Luxembourg en 1985. Les autres conservatoires et certaines écoles de musique suivent cette initiative plus tard et proposent à leur tour avec succès une formation spécifique au jazz. Ces classes de jazz avec leurs professeurs respectifs ainsi que d’autres musiciens ont véritablement fait émerger énormément de talents depuis.

Une première génération de jazzistes luxembourgeois aujourd’hui de niveau international se compose notamment de : Greg Lamy (1974) guitariste et compositeur ; David Laborier (1976), guitariste et compositeur (membre de Largo, Fondateur Jam Session Série Café Liquid, Orchestre National de Jazz, professeur au conservatoire de la ville du Luxembourg) ; Marc Demuth (1978), bassiste (co-Fondateur du Trio Reis/Demuth/ Wiltgen, professeur à l’école de musique de la ville d’Echternach) ; Pascal Schumacher (1979), vibraphoniste et compositeur (professeur au conservatoire de la ville du Luxembourg) …

Le Luxembourg a vu également apparaitre et se confirmer au niveau national et international une génération de band leaders luxembourgeois : Jeff Herr (1980, batteur), Michel Reis (1982, pianiste), Benoit Martiny (1980, batteur et percussionniste), Maxime Bender (1982, saxophoniste et directeur du Trifolion à Echternach), Paul Fox (1983, batteur) ...

Un trait typique de la scène luxembourgeoise dans le domaine du jazz est son lien très fort avec l’étranger. Premièrement, la plupart des artistes jouent avec des amis étrangers (rencontrés notamment pendant leurs études ou lors de concerts à l’étranger). Deuxièmement, n’ayant pas la possibilité de suivre des études de niveau supérieur au Luxembourg, les étudiants en musique, en général, n’ont d’autre choix que d’approfondir leurs connaissances musicales et d’obtenir un diplôme supérieur à l’étranger. La plupart des jazzistes ont suivi des études aux conservatoires supérieurs des villes suivantes : Amsterdam, Bruxelles, Cologne, Sarrebruck, Den Haag, Berlin, Hanovre..., même Boston et New York pour quelques-uns.
En 2015, on a recensé 132 musiciens et étudiants en jazz avec un âge moyen de 39 ans. 68 % ont étudié jusque-là à l’étranger. 25 musiciens, à l’époque, ont préféré s’établir à l’étranger.
Notons également que des jazzistes non-luxembourgeois réputés résident au Luxembourg. Citons un exemple : le guitariste Lionel Loueke.

Fait presque unique au Luxembourg, la plupart des jazzistes luxembourgeois sont également professeurs où enseignants dans un des trois conservatoires ou dans une des écoles de musique régionales. En effet, force est de constater que les musiciens ne peuvent pas vivre uniquement de leur carrière artistique, mais doivent exercer un autre emploi, pour la plupart dans l’enseignement musical, afin de subvenir à leurs besoins.

Une deuxième génération de talents confirmés du jazz luxembourgeois a étudié dans les divers conservatoires du Grand-Duché ainsi qu’à l’étranger et a depuis su se faire connaître hors de nos frontières. Citons quelques exemples : Pol Belardi (1989, bassiste et percussionniste, enseignant à l’école de musique de Differdange), Pit Dahm (1990, batteur et enseignant), Arthur Possing (pianiste), Claire Parsons (1993, chant), Jérôme Klein (pianiste)...

Tous ces musiciens ont créé leurs propres formations et se mélangent entre eux, n’hésitant pas à jouer également avec des musiciens étrangers. Parmi les différentes formations, on pourra en citer un certain nombres, notamment celles récemment primées : Reis / Demuth / Wiltgen Trio (Prix à l’export music:LX 2013 et 2018) ; Trio Dock in Absolute (Prix à l’export music:LX 2019) ; Marly Marques Quintet (Prix du jury du concours du Festival Crest Jazz vocal en France) ; Arthur Possing Quartet ; Greg Lamy 4tet (Prix à l’export music:LX 2016) ; Pol Belardi’s Force ; Orchestre National de Jazz ; Organic Trio ; Michel Reis Quartet (Prix à l’export music:LX 2014 ) ; Sacha Ley & Laurent Payfert ; Télé-Port ; Jeff Herr Corporation (Prix à l’export music:LX 2015) ; Pascal Schumacher (Lauréat Echo Jazz 2012, JTI Trier Jazz Award...)

La relève n’attend pas et le Luxembourg peut déjà compter sur les nouveaux espoirs du jazz luxembourgeois : Michel Meis (batteur) 4tet, Gilles Grethen (guitariste) 4tet, David Ascani (saxophoniste) 4tet, Mathieu Clement (batteur) 4tet ...

Les salles. Avant que nos grandes institutions culturelles régionales et communales n’existent, ce sont des lieus de rencontres divers qui ont proposé du jazz, souvent à l’initiative de passionnés ou de musiciens jazz. Le JAIL (à Neimënster, Jazz in Luxembourg avec le festival Autumn Leaves), le Liquid Bar à Luxembourg-ville, l’Inouïe (Redange / Attert) ...
Les plus grandes structures ont pris la relève, même si un vide subsiste au niveau des clubs de jazz. Aujourd’hui une programmation régulière de concert de jazz d’artistes nationaux et internationaux peut être appréciée dans différents lieux : Philharmonie de Luxembourg ; Opderschmelz, CCRD Dudelange (qui offre également des possibilités de résidences) ; CAPE, Ettelbrück ; Neimënster, Luxembourg (qui offre également des possibilités de résidences) ; Cube 521, Maarnich ; Trifolion, Echternach ; Kulturhaus Niederanven.
D’autres initiatives comme Bluebird Music Asbl proposent des plateformes pour des événements de blues et de jazz. Le jazz continue de s’écouter également dans divers clubs ou cafés à Luxembourg-ville.

Les festivals. Parmi les plus importants : Like a Jazz Machine au mois de mai, organisé par Opderschmelz à Dudelange, mais aussi le Luxembourg Jazz Meeting, récemment rebaptisé Shuffle, et organisé tous les deux ans au mois de novembre au Centre culturel de rencontre Neimënster en coopération avec music:LX.
Il faut encore citer notamment le Blues'n Jazz Rallye (juillet), Festival Echter'Jazz…

Il y a une dizaine d’années l’association music:LX a été spécialement créée comme bureau d’export afin d’aider les artistes luxembourgeois à trouver plus facilement des partenaires à l’étranger pour des concerts. Grâce aux efforts continus de l’Asbl et d’autres acteurs de la scène luxembourgeoise jazz, les artistes ont vu leur nombre d’activités à l’international croître de façon spectaculaire. Citons ces quelques faits et chiffres en exemple :
• Plus de 30 artistes jazz à l’export par an ;
• Plus de 20 signatures chez un label grâce à music:LX ;
• Plus de 100 professionnels jazz invités pratiquement chaque année ;
• Nombre de concerts jazz en 2012 : 279 / en 2019 : 446 ;
• Augmentation du nombre de participation aux salons et festivals : 1 en 2010 à 15 en 2019 ;
• Intégration dans plusieurs réseaux : European Jazz Network (EJN), Association Jazzé Croisé (AJC), Criss Cross Europe…

Aujourd’hui music:LX est pleinement intégrée à Kultur | lx qui poursuivra les mêmes missions de développement, de diffusion et de promotion de la scène jazz au côté d’autres acteurs, en premier lieu le ministère de la Culture.

Manuel Ribeiro, rédacteur musical radio 100,7
Mai 2021