Panorama

Arts visuels
Marco Godinho © Luke A. Walker
Arts visuels

Arts visuels

Les arts visuels au Luxembourg

Le Luxembourg peut s’enorgueillir, dans les disciplines des arts visuels, de proposer sur son petit territoire, une programmation importante, tant institutionnelle que dans les galeries. Un panel qui mêle la scène nationale et internationale. Nous allons essayer ici de dresser un panorama, nécessairement non exhaustif, mais qui puisse donner une vue générale aux personnes curieuses des prémisses des arts au Grand-Duché dès la fin du 19e siècle, au cours du 20e, de la période des vingt-cinq dernières années, point de départ d’une actualité devenue exceptionnellement diversifiée et, bien évidemment, de l’avenir.

Nous commencerons, une fois n’est pas coutume, l’histoire à l’envers : car les arts visuels, partant de l’expression classique de la peinture sur toile et de la sculpture sur socle, s’est élargie aux installations, à la photographie, à la vidéo, à l’art dans l’espace public.

Il faut noter que vu l’exiguïté du territoire, même s’il existe une section artistique dans l’enseignement secondaire depuis une trentaine d’années et que les lycées techniques où l’enseignement est assimilé à une formation pratique aux métiers d’art (le plus ancien, le Lycée des Arts et Métiers (LAM) a été créé en 1896), les artistes luxembourgeois partent se former à l’étranger. Il existe toutefois un département d’études « Médias et Arts » à l’Université du Luxembourg, créé en 2003, au sein de la Faculté des Sciences Humaines, des Sciences de l’Éducation et des Sciences Sociales.

Si pendant longtemps, les artistes vivant de leur art ont été peu nombreux (des artistes ont pratiqué des formes d’art comme la peinture, la gravure, la sculpture en plus de leur métier d’enseignant dans les lycées), les plasticiens, depuis les années 1990 et encore plus la jeune génération, considèrent les arts visuels comme une discipline, un métier en soi. Après l’immersion dans des écoles internationales, à leur retour au Luxembourg ou depuis leur pays d’adoption (certains artistes font le choix de rester vivre à l’étranger), un panel de bourses et de résidences leur permet de faire connaître leur potentiel aux acteurs culturels et de les développer. Institutions culturelles de l’État, municipales et les galeries spécialisées dans l’art contemporain, peuvent aussi les faire bénéficier de premières expositions.

Les débuts d’une politique culturelle contemporaine active

1995, Luxembourg « Capitale Européenne de la Culture », est une date de référence qui a donné une impulsion et une visibilité aux arts visuels contemporains, qui depuis ne s’est pas démentie et s’est professionnalisée, grâce notamment au Casino Luxembourg - Forum d’art contemporain, créé en 1996, qui se consacre à les exposer dans leurs expressions les plus actuelles et expérimentales. Son premier directeur a été le Luxembourgeois Enrico Lunghi (*1962) historien de l’art et depuis 2016, sa direction est assurée par le Luxembourgeois Kevin Muhlen (*1977), également historien de l’art de formation.

A suivi en 1998, l’organisation par le Casino Luxembourg, de la deuxième édition de « Manifesta, Biennale européenne d’art contemporain ».
Puis, ce fut en 2006, l’ouverture du Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean (MUDAM). La mission de préfiguration fut tout d’abord confiée au Français Bernard Ceysson (*1939), aujourd’hui galeriste également à Luxembourg, qui fut directeur du Musée d’art et d’industrie de sa ville natale, Saint-Etienne, puis à la Française Marie-Claude Beaud (*1946), qui fut notamment directrice-fondatrice de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, directrice des musées de l’Union Centrale des Arts Décoratifs (UCAD) et a terminé sa carrière comme directrice du Nouveau Musée National de Monaco (NMNM) en 2021. Enrico Lunghi lui succéda jusqu’en 2016. Suzanne Cotter (*1961), venue du Museu de arte Contemporânea de Serralves de Porto, après avoir dirigé la Serpentine Gallery à Londres, le Modern Art Oxford, a été curatrice du Musée Guggenheim d’Abu Dhabi, et dirige le Mudam depuis 2017. Le Mudam a mis sur pied une collection d’art contemporain qui manquait au plan institutionnel au Luxembourg, complétant ainsi la fonction du Casino Luxembourg - Forum d’art contemporain comme centre d’art.

Ces deux lieux de culture mènent activement une politique de niveau international d’expositions d’œuvres plastiques, photographiques, vidéos, installations, performances.
En ce qui concerne les plasticiens luxembourgeois, on citera les rétrospectives monographiques du Mudam , en 2006 au peintre Michel Majerus (1967-2002), en 2017 à la plasticienne Su-Mei Tse (*1973), en 2019 au plasticien Bert Theis (1952-2016) et au peintre Jean-Marie Biwer (*1957) en 2020.

Nuit des Musées 2019 ©d’stater muséeën Photo Christian Aschman

La visibilité à la Biennale de Venise : un choix moteur

Le ministère de la Culture soutient la présence du Luxembourg lors des grands rendez-vous internationaux. La Biennale – Exposition internationale d’art de Venise, est d’évidence un événement majeur de la visibilité des artistes luxembourgeois dans une grande manifestation internationale.
Après avoir occupé le rez-de-chaussée intimiste et « hors les murs » de la Ca’ del Duca de 1999 à 2017, le challenge pour les artistes et les architectes, en alternance tous les deux ans, est l’emplacement dédié désormais à la représentation luxembourgeoise, dans une des grandes halles de l’Arsenal, bénéficiant d’une surface beaucoup plus importante. Ce changement d’échelle et la confrontation directe à d’autres pays illustre l’évolution ambitieuse du Grand-Duché.

Les premières participations luxembourgeoises étaient cantonnées au Padiglione Italia qui accueillait alors les pays sans Pavillon avec des conditions d’exposition limitées. Ont été montrés entre autre la peintre et sculptrice Patricia Lippert (*1956), le sculpteur Bertrand Ney (*1955) ou encore les peintres Jean-Marie Biwer (*1957) et Luc Wolff (*1954). En 1995, suite à l’éviction des pays sans pavillon des Giardini, Bert Theis acquiert une visibilté et une reconnaissance internationales en incrustant, après un long bras de fer administratif, son projet The Potemkine Lockdown sur le mince espace entre les Pavillon Belge et Néerlandais.
En 1999 le Pavillon luxembourgeois s’installe dans une bâtisse du 15e siècle, la Ca’ del Duca. Su-Mei Tse (*1973) a obtenu le Lion d’Or de la meilleure participation nationale à la Biennale de Venise 2003. Parmi les plasticiens qui ont représenté le Grand-Duché et qui mènent désormais une carrière internationale, on citera, parmi les derniers, en 2011, Martine Feipel (*1975) & Jean Bechameil (*1964), en 2015, Filip Markiewicz (*1980), en 2017, Mike Bourscheid (*1984), en 2019, Marco Godinho (*1978), tous artistes plasticiens multimédias. L’artiste peintre Tina Gillen (*1973) représentera le Luxembourg à la Biennale de Venise 2022.

Filip Markiewicz_Ultraplastic Rhapsody

Soutien financier institutionnel et résidences d’artistes: les aides à la création

Le ministère de la Culture assure un soutien important en matière de développement de l’infrastructure culturelle et de dispositifs d’aide, de bourses et de résidences d’artistes (au Luxembourg et à l’étranger), en complémentarité des dispositifs d’aides mis en œuvre par le Fonds National Culturel (FOCUNA), établissement public créé en 1982 dont les missions sont aujourd'hui partiellement reprises par Kultur | lx et l’établissement public philanthropique Œuvre nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte avec le fonds « stART’ up’ », créé en 2002, assure un soutien financier important.

Les résidences d’artistes à l’étranger, constituent des dispositifs privilégiés pour le développement des travaux et la recherche. Des partenariats ont été développés avec la Cité internationale des arts à Paris, le Künstlerhaus Bethanien à Berlin, la Fonderie Darling à Montréal et l'Academie Belgica à Rome.

Au plan national, différents acteurs agissent pour le développement de lieux de résidence.
D’autres institutions culturelles proposent également des résidences pluridisciplinaires comme la Kulturfabrik à Esch-sur-Alzette ou Neimënster, Centre Culturel de Rencontre créé en 2004, qui organise régulièrement des expositions et des rencontres autour de l’art contemporain et des arts visuels.

Des institutions nouvelles, tournées vers l’avenir de la jeune création

Le Casino Luxembourg - Forum d’art contemporain s’est récemment vu confier la gestion d’une maison-galerie, d’Konschthaus beim Engel qui sera un lieu de travail, de recherche, d’échanges et d’orientation, avec pour objectif de promouvoir et soutenir les jeunes créateurs avec un tout nouveau programme, « Casino Display ».

On citera à Luxembourg encore, dans une ancienne halle industrielle des locomotives des Chemins de Fer Luxembourgeois (CFL), le travail des Rotondes pour la jeune scène artistique avec la « Triennale Jeune Création » dédiée aux artistes du Luxembourg et de la Grande Région, initiée lors de Luxembourg et Grande Région, Capitale Européenne de la Culture 2007. Les Rotondes organisent par ailleurs le Prix LEAP - Luxembourg Encouragement for Artists Prize, décerné tous les deux ans depuis 2016 : Sophie Jung (*1982) en 2016, Laurianne Bixhain (*1987) en 2018 et Hisae Ikenaga (*1977) en 2020. Les Rotondes explorent également de nouvelles formes d’art virtuel avec le festival Multiplica – Arts et Réalités numériques depuis 2017.

Au sud du pays, Esch-sur-Alzette, qui fut jusqu’au déclin de l’activité sidérurgique dans les années 1980, la ville la plus importante de la métallurgie luxembourgeoise, on peut citer la Galerie Schlassgoart, créée en 1993 à l’initiative du groupe sidérurgique ARBED. Si la mission de cette association est de promouvoir l’art contemporain, elle a un moindre impact dans le paysage artistique eschois que la Kulturfabrik (Kufa), lieu essentiellement socio-culturel installé dans les anciens abattoirs municipaux depuis maintenant vingt-cinq ans.
Très récemment, la municipalité d’Esch-sur-Alzette, a décidé de transformer un ancien magasin de meubles en un lieu d’exposition d’art contemporain, la Konschthal, dirigée par l’historien de l’art Christian Mosar (*1968). Conçue comme une plate-forme nationale et internationale de productions et d’expositions pour les arts visuels contemporains, la Konschthal est également appelée à devenir un lieu d’échanges socio-culturel. Un premier cycle d’expositions, appelées « Schaufenster », lui donne dès à présent pignon sur rue. Ce nouveau lieu en devenir, est inséparable de la dynamique pour la Région Sud de « Esch2022 - Capitale européenne de la Culture ». Dès à présent, Esch2022 donne l’occasion à de jeunes créateurs d’exposer leur travail au Pavillon P4, sur une des places principales de la ville.

Sophie Jung ©Lynn Theisen

Les ateliers d’artistes

La disponibilité d’ateliers est actuellement en augmentation. Depuis février 2021, l’Association des Artistes Plasticiens du Luxembourg (AAPL), propose 45 ateliers dans une ancienne caserne.
C’est de fait, une « tradition réactivée ». On citera l’association Empreinte atelier de gravure (depuis 1994) ou encore le groupe Sixthfloor à Koerich (depuis 2001) et le plus ancien lieu d’ateliers d’artistes, la Schläiffmillen à Luxembourg (depuis 1986). D’autres lieux de travail et de rencontres pour les artistes sont en préparation : le Bâtiment IV - Tiers-lieu culturel et le Bridderhaus, la résidence d’artistes de la Konschthal à Esch-sur-Alzette.

Luxembourg et la photographie : un cas particulier

La photographie occupe une place particulière au Luxembourg. L’impulsion est venue du lègue de l’exposition « Family of Man » à son pays natal, par le célèbre photographe Edward Steichen (né à Bivange, au Luxembourg, en 1879), alors directeur de la photographie au Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Elle est présentée depuis 1974 dans une exposition permanente au Château de Clervaux où un nouvel aménagement contemporain, qui respecte « l’esprit » de la mise en espace originale présentée à New York en 1955, a été réalisé au début des années 2000. Une partie de la documentation de « The Bitter Years », commandée par la Farm Security Administration (FSA) durant les années de la Grande Dépression des années 1930 aux États-Unis, également léguée au Luxembourg par Steichen, a été exposée de 2012 à 2020 dans l’enceinte de l’ancien site sidérurgique de Dudelange.

Ces photographies ont été restaurées par le Centre national de l’audiovisuel (CNA), créé en 1989, qui gère ces collections historiques. Le CNA est le centre d’archivage des documents audio-visuels du Grand-Duché (500 000 documents photographiques, images animées, archives sonores) et dispose d’une galerie d’exposition pour la photographie contemporaine. Chaque année, il attribue une bourse d’aide à la création et à la diffusion photographique à un.e photographe luxembourgeois.e, permettant de réaliser un travail personnel et d’en soutenir la diffusion par la production d’une exposition et / ou d’une publication. Les lauréats de la Bourse CNA 2019, 11e édition, étaient au nombre de six : Sébastien Cuvelier (*1973), Anna Krieps, Carole Melchior, Pasha Rafiy (*1980), Marie Sommer, Jeff Weber. L’édition 2020 a sélectionné Bruno Balzer & Leonora Bisagno, Justine Blau, Samuel Bollendorff (*1974), Marie Capesius, Carine Krecké et Birgit Ludwig.

Dès les années 1980, Paul Di Felice et Pierre Stiwer créent une publication, « Café Crème » spécialisée dans la photographie, suivie depuis par la participation du Luxembourg aux Semaines Européennes de l’Image, devenues depuis Le Mois Européen de la Photographie ( EMoP ). L’EMoP en est, cette année 2021, à sa 8e édition. C’est un événement incontournable qui bénéficie de nombreux lieux d’exposition, institutionnels et privés, répartis dans tout le pays.

L' Edward Steichen Award (ESA) a été créé em 2004 et a été décerné pour la première fois en 2005. Il récompense tous les deux ans un artiste émergeant dans le domaine de la photographie européenne. Parmi les lauréats luxembourgeois, on citera les plasticiennes Su-Mei Tse (2005) et Sophie Jung (2013). Depuis 2011, le prix « luxembourgeois » (ESAL) est attribué spécifiquement à un artiste de nationalité luxembourgeoise. Ainsi Claudia Passeri en 2011, Jeff Desom en 2013, Jeff Weber en 2015, Daniel Wagener en 2017. En 2019, Mary-Audrey Ramirez s’est vue attribuer le prix international ESA et Nora Wagner, le prix « luxembourgeois » ESAL avec, à la clé, une résidence à New York dans les deux cas.

Depuis 2017 enfin, avec la création de l’association Lëtz’Arles, les photographes luxembourgeois bénéficient d’une vitrine privilégiée à la Chapelle de la Charité aux Rencontres de la photographie d’Arles. Après une première exposition collective en 2017, six photographes ont été depuis présentés à Arles : Pasha Rafiy et Laurianne Bixhain en 2018, Claudia Passeri et Krystyna Dul en 2019, Daniel Reuter et Lisa Kohl (*1988) en 2021.

« Aedicula 1 à 5 » _Claudia Passeri, Aedicula, 2019

Présence des artistes luxembourgeois dans les collections publiques luxembourgeoises

Tout au long du 20e siècle, des artistes ont eu une renommée nationale. En tête, on nommera le peintre expressionniste Joseph Kutter (1894-1941) et le sculpteur Lucien Wercollier (1908-2002), influencé par Brancusi et Arp. On n’oubliera pas de citer, dès avant, dans une veine d’expression classique, l’aquarelliste Sosthène Weis (1872-1941), le sculpteur Claus Citó (1882-1965), Auguste Trémont, sculpteur animalier (1892-1980). La première moitié du 20e siècle a retenu des peintres, surtout de paysages et de portraits : Nico Klopp (1894-1930), Jean Schaack (1895-1959), Jean-Pierre Beckius (1899-1964), Joseph Probst (1911-1997).

Il revient au Musée National d’Histoire et d’Art (MNHA), ouvert en 1946 sous le nom de Musée de l’État, et en particulier en la personne de l’historien de l’art, qui en fut aussi le directeur, Joseph-Emile Müller (1911-1999), de les avoir inclus dans un contexte majoritairement dédié à l’École de Paris, créant une section d’art moderne dans l’unique musée, généraliste à l’époque, de Luxembourg.

La Villa Vauban, qui fait partie des « 2 Musées de la Ville de Luxembourg », a hérité des collections de peintures et de sculptures des 17e, 18e et 19e siècles, du Siècle d’Or des Pays-Bas et flamand, des œuvres italiennes et françaises de trois collectionneurs et philanthropes luxembourgeois du 19e siècle : Jean-Pierre Pescatore (1793-1855), Eugénie Dutreux-Pescatore (1810-1883), Leo Lippmann (1808-1883), à la condition expresse qu’elles soient exposées. L’Institution a perpétué l’acquisition d’œuvres d’artistes luxembourgeois. Ainsi, au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, des peintres abstraits, Roger Bertemes (1927-2006), Marie-Paule Feiereisen (*1955), Michel Geimer (*1963), Fernand Roda (*1951), Jeanine Unsen (*1975), de la plasticienne Sophie Jung (*1982), des peintres Carine Kraus (*1949) et Chantal Maquet (*1982).

Une autre institution municipale occupe une place particulière, à la fois historique et contemporaine : Dudelange, qui fut une des villes ouvrières de l’ère florissante de la sidérurgie au Luxembourg pendant quelque cent ans, a œuvré, dès le 19e siècle et jusqu’à la fin des usines dans les années 1980, de manière novatrice pour la connaissance culturelle dans une ville industrieuse. Elle perpétue depuis les expositions publiques dans les deux Centres d’art de la Ville, « Nei Liicht » et « Dominique Lang » et possède une collection d’art, qui compte la majorité des œuvres de l’artiste impressionniste luxembourgeois Dominique Lang (1874-1919) et qu’elle enrichit à chaque exposition.

L’activité d’exposition des Centres d’art de Dudelange s’est résolument tournée depuis une vingtaine d’années vers l’art contemporain. Souvent, cette première occasion d’exposer au Centre d’art Dominique Lang est le tremplin vers d’autres institutions et le marché privé.

La galerie Armand Gaasch, également à Dudelange, disparue aujourd’hui, fut la première à exposer l’artiste Bert Theis (1952-2016). Le Mudam a intégré une de ses œuvres dans la préfiguration du musée et une de ses créations majeures, « European Pentagon, Safe and Sorry Pavilion », conçue pour la Présidence de l’UE par le Luxembourg à Bruxelles en 2005, a été réinstallée dans l’espace public, Place de l’Europe à Luxembourg-Kirchberg en 2007, à l’occasion de l’Année culturelle.

Les cercles artistiques associatifs, une tradition centenaire : le Cercle Artistique de Luxembourg (CAL), une longue histoire et des prix révélateurs de talents

Le premier « salon de peinture » au Luxembourg date du 19e siècle : le Cercle Artistique Luxembourgeois (CAL). Créé en 1893, il a lieu tous les deux ans. Le CAL a été et reste un rendez-vous important pour les créateurs, en premier lieu, au plan national. On citera, parmi les artistes qui n‘ont pas été cités jusqu’ici (ayant notamment des œuvres dans les collections nationales), qui ont reçu le Prix Grand-Duc Adolphe, la céramiste Doris Becker, les peintres Robert Brandy (*1946), Flora Mar (*1956) et Roland Schauls (*1953). Se sont ajoutés au Prix Grand-Duc Adolphe créé en 1902, en 1993 le Prix Pierre Werner, attribué en 2018 aux peintres Sandra Lieners (*1990), le Prix Révélation en 2019 à Pit Moling (*1984) et en 2020 à Filip Markiewicz (*1980) et à la photographe Lisa Kohl (*1988), démontrant ainsi le renouveau d’une institution centenaire.

La Ville de Luxembourg organise au Ratskeller, dans le cadre de la programmation du Cercle Cité (depuis 2011) des expositions dédiées à la jeune création, toutes disciplines confondues. Situé en centre-ville, ce lieu dispose également d’une vitrine, Cecil’s Box, où des artistes, très jeunes, sont ainsi mis à hauteur du regard des passants.

L’Association Internationale des Critiques d’Art Section Luxembourg (AICA), s’est montrée très active du temps où elle bénéficiait d’une vitrine en plein Luxembourg : un ancien kiosque à journaux. Ses membres, dont la majorité sont critiques, y ont souvent montré pour la première fois, le travail de jeunes artistes et contribué à leur visibilité dans l’espace public. Certains l’ont utilisé comme une vitrine - Justine Blau (*1977), Stina Fisch, Mik Muhlen (*1984) - un support d’art plastique - The Plug, (désormais Brognon-Rollin), Armand Quetsch - d’installation - Paul Kirps (*1968), Max Mertens (*1982), Gilles Pegel (*1981) - et Christian Aschman (*1966) y a exposé la photographie du « Kiosk » avant sa démolition. Certains ont connu depuis une carrière internationale à l’image de Brognon-Rollin (*1978, *1980) dont la première exposition monographique d’ampleur a eu lieu en 2020 au MAC VAL à Vitry-sur-Seine.

Brognon Rollin_L’avant dernière version de la réalité _MAC VAL

L’activité motrice des galeries privées

Les galeries d’art sont présentes depuis le 19e siècle au Luxembourg. On citera ainsi l’éditeur-imprimeur Pierre Brück. Une tradition axée sur le « livre d’art », que perpétua p. ex. la galerie-édition Schortgen.

Le premier galeriste au cours de la seconde moitié du 20e siècle, au sens moderne du terme, fut le galeriste Jean Aulner, avec la Galerie de Luxembourg. Ardent défenseur des artistes luxembourgeois – dont le sculpteur Charles Kohl (1929-2016), récemment remis à l’honneur dans une exposition monographique à la Villa Vauban, il introduisit aussi bien les artistes luxembourgeois que l’art international auprès d’un public de collectionneurs essentiellement privés.
À partir des années 1980, on notera que plusieurs galeristes femmes se sont distinguées par l’excellence de leur travail : Lea Gredt, Christiane Worré, Martine Schneider et Erna Hécey ont exposé les artistes luxembourgeois dont il a été question plus haut ainsi que des artistes étrangers de premier plan. Le contexte était favorable : des banques nationales et étrangères venues renforcer la place financière dans les années 1980-1990, ont acheté pour compléter ou enrichir leurs collections, voire même organisé des expositions : Banque de Luxembourg (BL), Banque Internationale à Luxembourg (BIL), Banque Générale à Luxembourg (BGL).
Une place particulière est occupée par la Banque Européenne d’Investissement (BEI), qui compte une collection d’art contemporain exceptionnelle et la Banque et Caisse d’Épargne de l’État (BCEE), qui non seulement a réalisé de nombreuses expositions sur la photographie, mais a aussi acheté des tirages historiques, de Edward Steichen notamment. C’est également dans cette spécialité qu’il faut nommer le travail de la galeriste Marita Ruiter à la Galerie Clairefontaine.
Aujourd’hui, des galeries internationales sont présentes au Luxembourg : la galerie Ceysson (désormais Ceysson-Bénétière) et la galerie Zidoun&Bossuyt.

Une place particulière dans le panorama de l’art contemporain revient à la galerie luxembourgeoise Nosbaum-Reding qui, depuis 20 ans, assure une continuité de travail remarquée au plan national et comme galeriste au Luxembourg d’artistes de renommée internationale. Alex Reding a créé en 2015 la première foire d’art contemporain à Luxembourg, la « Luxembourg Art Week ».

Stéphane Ackermann est parti s’installer à l’étranger, Erna Hécey, installée un temps à Bruxelles, est revenue à Luxembourg.
Des galeries d’art contemporain plus « grand public », ont récemment ouvert : la galerie Valerius et la galerie Fellner Contemporary, qui fait le pari de n’exposer que des artistes luxembourgeois. Enfin, la plateforme en ligne Art Work Circle permet à des artistes contemporains de proposer leurs œuvres en vente en ligne.

Portrait of Painter’s Son Robert in Sailor’s Attire (1923) by Corneille Lentz at Villa Vauban Museum. Luxembourg, ©Christian Aschman Luxembourg

L’art dans l’espace public et le 1% artistique dans la commande publique

On a déjà évoqué les sculpteurs classiques du 20e siècle, Claus Citó (La Gëlle Fra, les bas-reliefs du Musée national de la Résistance à Esch-sur-Alzette) et Lucien Wercollier, qui est considéré comme le plus important sculpteur luxembourgeois de la seconde moitié du 20e siècle, auteur e.a. du Monument National à la Résistance. Plus « anecdotique » dans son expression stylistique, mais très populaire, on citera le sculpteur Will Lofy (1937-2021), avec le Hämmelsmarsch, qui illustre une tradition de fête locale au Puits Rouge, Grand’ Rue depuis les années 1980, ainsi que la statue en l’honneur de la Grande-Duchesse Charlotte, Place Clairefontaine. Le sculpteur Bertand Ney s’est aussi vu confier la réalisation de plusieurs fontaines dans l’espace public par la Ville de Luxembourg. Des sculptures modernes classiques de sculpteurs internationaux, Henry Moore (1898-1986), Bernar Venet (*1941), ont toujours fait consensus.

L’Année Culturelle 1995 a encore une fois été un pas important concernant la réception des œuvres contemporaines dans l’espace public cette fois, par l’incompréhension d’une partie du public lors de l’installation d’une Nana de la plasticienne Niki de Saint-Phalle (1930-2002). Sanja Ivekovic (*1949), artiste croate plasticienne féministe a créé le scandale avec Lady Rosa of Luxembourg en 2001 dans le cadre de l’exposition Luxembourg – les Luxembourgeois. Consensus et passions bridées. En 2001, la sculpture Lady Rosa of Luxembourg de l’artiste croate Sanja Iveković fait scandale. Inspirée de la Gëlle Fra, la réplique du symbole national apparait non seulement « enceinte », mais est dédiée à la philosophe et artiste marxiste Rosa Luxemburg. Sur son socle, les inscriptions telles que « Justice », « Kultur », « Madonna » ou « Bitch » sont perçues comme une offense à la mémoire des résistants et des soldats morts pour la patrie.
Mieux perçue fut Sous les ponts, le long de la rivière, également en 2001, reliant le Casino Luxembourg, organisateur de la manifestation au site des Trois Glands, emplacement du Mudam, puis lors d’une deuxième édition en 2005 dans la vallée de la Pétrusse. Ces parcours d’art en plein air, qui jouaient in situ avec le génie du lieu, proposaient des interventions d'artistes nationaux et internationaux plus facilement accueillies par le grand public.

Le Fonds du Kirchberg, établissement public en charge de l’urbanisation du Plateau de Kirchberg depuis le début des années 1960, a été un précurseur en matière d’installation d’œuvres d’art dans l’espace public. Dans les années 1990, au titre du 1% artistique, il a ainsi pu faire financer par les grandes sociétés s’installant sur ce territoire une œuvre sculpturale et monumentale de Richard Serra (*1939) à l’entrée du Plateau Kirchberg, des sculptures flottantes de Marta Pan (1923-2008) sur une pièce d’eau du parc principal, des stèles de Ulrich Rückriem (*1938), sur le tracé d’une ancienne voie romaine qui traverse le Kirchberg, une œuvre de Su-Mei Tse représentant une cage à oiseau en néon, à la porte ouverte, dans les jardins d’un ensemble de sociétés de bureaux en 2009. Mais dès avant, dans les années 1980, une allée piétonne avait été ponctuée par des œuvres de Liliane Heidelberger (1935-2019), élève de Lucien Wercollier, Hermann & Valentiny, ainsi que de Willem J. A. Bouters (1936-2000).
Depuis, le Fonds du Kirchberg est passé à d’autres formes d’expression que la sculpture sur socle. Il a organisé des concours restreints sur invitation, avec un cahier des charges particulier correspondant à des bâtiments ou des espaces publics précis. On peut donc aujourd’hui voir au Kirchberg des œuvres des artistes plasticiens contemporains comme l’horloge électronique de la plasticienne Trixi Weis (*1967) sur la façade du siège du Fonds Kirchberg ou la fresque murale du graphiste Paul Kirps pour le bâtiment provisoire du Secrétariat du Parlement Européen. L’escalier point de vue de l’artiste canadien Michel De Broin (*1970) a été réalisée en 2016 en réponse à un cahier des charges qui était un espace vert en forme de labyrinthe dans le parc central du Kirchberg.
Le Fonds du Kirchberg a depuis choisi de travailler en partenariat avec le Casino Luxembourg dans le cadre d’une exposition d’été biennale ( « 1 + 1 » ) dans le Parc Central, autour de cette œuvre. Il s’agit d’installations participatives, ludiques et expérimentales : Recto-Verso, des graphistes luxembourgeois Charles Wennig & Laurent Daubach (*1972, *1969) en 2017, Slow Teleport des plasticiens américains Alex Schweder & Ward Shelley en 2019, Laby-Foot de l’artiste plasticien français Benedetto Bufalino (*1982) en 2021.

Depuis la loi de 1999, l’excellence, en matière de 1 % artistique, revient assurément à l’Administration des Bâtiments Publics, qui consacre 1% du coût de la construction des bâtiments publics dont elle est le maître d’ouvrage à une œuvre plastique. On citera ici quelques exemples historiques des années 1960-1980 et plus récents : fresque en mosaïque murale de l’Établissement thermal de Mondorf-les-Bains (François Gillen, 1914-1997), panneau décoratif sur aluminium, hémicycle du Secrétariat du Parlement Européen à Luxembourg-Kirchberg (Joseph Probst), peinture murale, Laboratoire de l’État à Luxembourg (Will Dahlem, 1916-1986), sculpture murale métallique à la Maison de retraite d’Echternach (Bettina Scholl-Sabatini, 1942), vitrail à la Mairie de Dudelange (Frantz Kinnen, 1905-1979). D’institutionnelles, les œuvres contemporaines sont devenues tactiles, ludiques, visuelles, voire sonores, comme une œuvre musicale pour l’ascenseur de la maison de retraite, Servior Geenzebléi, à Wiltz en 2018 par Michel Bananes Jr & Benjamin Dufour. Une intervention paysagée du duo d'artistes Feipel & Bechameil, extérieure au bâtiment, constituera le 1% artistique aux abords de la nouvelle Bibliothèque nationale du Luxembourg (BnL) à Luxembourg-Kirchberg.

Les outils de médiation

Toutes les institutions muséales du Grand-Duché organisent des ateliers pour enfants dans le cadre des expositions, des médiateurs sont également à la disposition du public. Le Lëtzebuerg City Museum met à disposition du public des audio-guides et des tablettes numériques ; le MNHA, a mis à profit la fermeture du musée durant le premier confinement du Covid-19 en 2020, pour donner accès à ses expositions, qu’elles soient permanentes ou temporaires, grâce à des visites virtuelles en 3D. À noter aussi la publication de nombreux catalogues à l’occasion des expositions ou des monographies, comme récemment celles de Marco Godinho et Filip Markiewicz éditées par le Casino Luxembourg. La majorité des institutions, qu’elles soient des musées nationaux ou municipaux, disposent de bibliothèques à la disposition du public et/ou de sites Internet qui répertorient les artistes des collections ainsi que les expositions.

Baltzer Bisagno_LEAP ©Lynn Theisen

Informations institutionnelles et la presse

Le groupement d'stater muséeën propose une communication sur les programmations des musées nationaux et des musées et centres d’arts municipaux. Il organise par ailleurs depuis 2008 la Nuit des musées, événement fédérateur et festif pour passionnés, amateurs et grand public, qui met chaque année à l’honneur la vie culturelle et la diversité des musées de la capitale.

La Ville de Luxembourg publie chaque mois dans son mensuel d’information sur les activités de la ville, un tableau exhaustif ainsi que de petits articles informant des principales expositions publiques.

Tous les quotidiens luxembourgeois, partant du Luxembourg Wort, le plus ancien du Grand-Duché, le Tageblatt, le Quotidien et les hebdomadaires, Le Jeudi (depuis disparu), WOXX et le Lëtzebuerger Land de même que la radio 100.7 et RTL Radio et Télé Lëtzebuerg, rendent compte de l’actualité importante des musées et galeries, consacrent des portraits aux artistes, et jouent un rôle non négligeable, par leur suivi, en faveur de la visibilité des arts visuels luxembourgeois.

Marianne Brausch, membre de l’AICA Luxembourg et journaliste culture free lance
Juin 2021